MOCTE - 2023: Identités culturelles, identités territoriales et mobilités ArgumentaireCompris généralement comme une portion de l’espace terrestre délimitée par des frontières, le terme territoire demeure une notion polysémique qui en fonction de l’angle d’approche peut renvoyer à des significations variées. Le territoire revêt alors une déclinaison juridique dans laquelle s’exerce un pouvoir et une déclinaison démographique dans laquelle il est compris en tant qu’espace approprié par un individu ou une communauté. Le caractère restrictif du territoire qui renvoie à l’espace délimité fait appel à l’exercice de la souveraineté, notamment la souveraineté étatique. De ce fait, le territoire est géré par l’Etat, qui contrôle, aménage et exerce son autorité. Ce rapport de puissance de l’Etat sur le territoire est mis en évidence par des acteurs internes et externes qui perçoivent le territoire comme un enjeu économique, un réservoir de ressource. Avec la mondialisation, la « fin des territoires » (Badié, 1995) annoncée se volatilise car les individus sont de plus en plus mobiles grâce aux progrès scientifiques et techniques. Le territoire est alors un support possible de la mobilité qui génère selon Boltanski et Chapello (1999) le monde connexionniste qui impose de se déplacer sans arrêt afin de tisser des nouveaux liens. Dès lors, le territoire génère des interactions culturelles par des individus qui se rencontrent, identitaires avec une appropriation d’ici et de là-bas et politico-social dans les aspects frontaliers et de « frontieralités » (Kamdem, 2015) avec des conséquences sur les trajectoires des individus. Enfin, La mise en perspective de la notion du territoire impose inéluctablement celle du pouvoir, clé d’analyse des dynamiques socio spatiales d’organisation, de conquête et de représentation des territoires. En ce sens, le territoire constitue un enjeu, une source de conflictualité et de confrontation entre différents acteurs désirant chacun y imposer son modèle (culturel, politique, économique…). À cette fin, on peut considérer que la mobilité et la culture en tant qu’élément contributeur de la dynamique territoriale contribuent à la mise sous tension de ces territoires. Ce colloque visera donc particulièrement à questionner les processus de fabrication des territoires par les acteurs divers (endogènes ou exogènes), les mutations croisées des territoires et des cultures contemporaines. Par conséquent, seront convoqués pour éclairer ce questionnement, les thèmes de gouvernance, de religion, de loisirs, migrations, environnement, de patrimoine. Seront aussi mobilisées pour renforcer les analyses, les dimensions spatiales, sociales, économiques, politiques ou temporelles, relevant pour l’ensemble des différentes disciplines de sciences humaines et sociales. Quatre axes majeurs seront ainsi abordés lors de ce colloque. Axe 1 : Approches méthodologiques. Comment saisir la fabrication des territoires et l’affirmation des identités culturelles ? quels enjeux pour la pluridisciplinarité ?Territoire et culture s’imbriquent et se côtoient quel que soit l’approche : holiste, individualiste, constructiviste ou cognitive (Gumuchian et al., 2003) et interactionniste. Ainsi, ce sont les acteurs (Etat, collectivité territoriale, citoyen, association…) qui font le territoire aboutissant à une logique anthropo-centrée dans une interaction triangulaire territoire, identité et culture. La culture étant un ensemble de codes, de comportements et de reconnaissances qui cimentent l’appartenance à un groupe. Traiter des identités culturelles au sein du territoire, c’est alors analyser l’appartenance à des groupes sociaux historiquement constitués car nul ne demeure identique à lui-même après avoir été entrainé, dans les turbulences du mouvement interculturel (Visionneau, 2002) issus des interactions sur les territoires. Cet axe concerne l’application systématique de l’épistémologie aux situations de recherche, on pourra mettre en lumière les méthodes pluridisciplinaires à savoir des approches qualitatives, quantitatives, expérimentales... afin de saisir les logiques sous-jacentes de la recherche. Elles nous permettront d’observer de manière pointilleuse le déploiement des acteurs qui participent à la fabrication des territoires, à l’élaboration et co-construction des politiques publiques qui permettent une organisation et les enjeux dans les interactions entre le territoire et identité culturelle et vice-versa. Dès lors, comment les identités culturelles deviennent un instrument/ un outil dans la manière de concevoir et de penser un territoire ? Quels sont les acteurs qui interviennent dans la construction des territoires ? Comment la notion de proximité peut s’imbriquer dans le croisement fabrique des territoires et identité culturelle ? Ces interrogations sont des fils conducteurs qui sont à débattre ou rebattre. Axe 2 : Le territoire face aux dynamiques de valorisation et/ou de dévalorisationLes dynamiques de valorisation et/ou de dévalorisation des territoires sont liées aux politiques et actions d’aménagement du territoire. En ce qui concerne les dynamiques de valorisation du territoire, elles impliquent de replacer le territoire dans son contexte historique et géographique, d’indiquer les qualités tant du point de vue des cohérences formelle et fonctionnelle que du point de vue de l’architecture (Bonard, Felli, 2008). Par ailleurs, les dynamiques de dévalorisation du territoire participent à sa dégradation, et à son disfonctionnement. Elles se caractérisent par la relégation des espaces aménagés, l’état d’inconfort des logements, le manque d’équipement, d’emplois diversifiés et d’activités de loisirs, la paupérisation des populations, l’augmentation de l’insécurité et l’éloignement des logements par rapport aux commerces et au centre administratif (Ba, Zentelin, 2010). De ce fait, les dynamiques de valorisation s’inscrivent dans une démarche d’aménagement urbain et rural et permettent de donner une image de marque à ce territoire, « le bon quartier », « la bonne ville », « les belles campagnes ». Les dynamiques de dévalorisations à contrario, compromettent les principes d’urbanisme, d’aménagement rural et laisse voir une image dépréciative de celui-ci « le mauvais quartier », « la ville dangereuse » (Ba, Zentelin, 2010). Ces processus de valorisation ou de dévalorisation, participent à l’attractivité ou à la répulsion des territoires. Ainsi comme questions à débattre ou redébattre, les dynamiques de valorisations et/ou de dévalorisation ont-elles un impact sur les mobilités résidentielles ? Axe 3 Le territoire : théâtre d’affirmation et de confrontation des identités culturellesLe territoire constitue depuis longtemps l’essence de la fabrication des identités culturelles des sociétés humaines. En perpétuelle mutation, l’identité culturelle se présente comme ce par quoi se reconnaît une communauté humaine (sociale, politique, régionale, nationale, ethnique, religieuse...) en matière de valeurs, de pensées, d'engagement, des langues et de lieux de vie, de pratiques, de traditions et de croyances, de vécu en commun et de mémoire historique (Théberge, 1998). En conséquence, de tout temps et en tout lieu, il n’existe guère de société qui ne s’identifie à un territoire donné. Dès lors, bien qu’étant indispensable à l’éclosion et à l’existence de chaque société humaine, le territoire revêt toutefois une importance relative compte tenu de la représentation qu’un groupe social s’en fait. Les représentations confèrent ainsi aux territoires une importance capitale et en font des théâtres d’affirmation pour ceux qui les dominent et y imposent leurs visions, leurs volontés, leurs habitudes, leurs langues et leurs coutumes. En somme des identités culturelles dont ils veillent à la pérennisation. En définitive, l’importance stratégique que revêt un territoire peut aboutir à la mise en confrontation des différents acteurs qui y trouvent un certain intérêt qui pourrait le transformer en un théâtre de confrontation dans lequel chaque acteur en présence est porteur d’une identité culturelle qu’il désire affirmer. En ce sens, le territoire devient un enjeu. De ce fait, le territoire constitue cet espace où l’on souhaite se projeter et s’approprier, cette appropriation prendra le sens d’une imposition de l’identité culturelle du nouvel acteur qui le contrôle. Questions à débattre ou redébattre : Quels sont les éléments à travers lesquels un groupe humain (A) impose sa culture sur un territoire, et comment son opposition à d’autres groupes (B, C…) peut déboucher sur des situations conflictuelles temporaires ou permanente ? Axe - 4 : Mobilités, trajectoires mobilitaires et frontieralitéLa mobilité est déterminée selon Ortar (2018) par la qualité des lieux aussi bien de départ que d’arrivée car se mouvoir c’est consommer symboliquement du temps et de l’espace, c’est apercevoir les lieux de l’autre (Tarrius, 1989) selon une logique individuelle ou en lien avec des logiques structurelles ou fonctionnelles qui peuvent renseigner sur la trajectoire d’un individu. Par ailleurs, la mobilité conduit à emmener des biens avec soi en tant que symboles et marqueurs identitaires de l’appartenance à un territoire grâce auxquels il est possible de saisir les sujets (Alexandre-Garner, 2020). Ainsi, comment les trajectoires mobilitaires se retrouvent-elles impacter durant un parcours migratoire? Quelle lecture des trajectoires mobilitaires à partir des objets ramenés dans la migration ? N’étant pas exhaustif, ces questionnements sont à débattre ou à redébattre. En outre, la mobilité implique également de franchir des frontières qui selon Raffestin sont un « invariant bio-social » avec quatre fonctions majeures de traduction, de régulation, de différenciation et de relation (Kamdem, 2015). La frontieralité s’enchevêtre dans ces fonctions de la frontière à savoir le relationnel que Picouet (2008) évoque comme le regard que l’homme porte sur la frontière et que celle-ci exerce en retour sur les individus et les nations, la régularisation et la différenciation pouvant être à la fois positive ou négative (Kamdem, 2015) pour ceux qui en subissent les effets. Cette notion met en évidence les actualités récentes dans le monde concernant les enjeux d’insertion, d’accueil, de rejet, d’identification. Comme piste de réflexion à débattre ou à redébattre, quels sont les rapports de pouvoir dans les enjeux de transfrontieralité ? Comment se matérialise la notion de frontieralité dans le dialogue territoire et mobilité ? Comment la dimension de solidarité se déploie au sein des territoires face aux tensions migration internationale, frontière ? |
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